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"Entreprendre pour soi et pour les autres", le point de vue d'Olivier Frérot

Face à un monde en crise écologique et sociale, comment agir ? De plus en plus de voix font entendre une autre vision du fonctionnement de notre société...

L’une d’entre elles est celle d’Olivier Frérot, essayiste, conférencier et consultant auprès des entreprises. Pour lui, la société qui vient sera un monde d’entreprendre, dans le sens de faire ensemble, dans un esprit de solidarité, d’attention à soi, aux autres et à la planète. Des collectifs précurseurs existent déjà. Parmi eux : les CAE (coopératives d’activité et d’emploi). Olivier Frérot est lui membre depuis 2016 de la CAE Oxalis basée à Aix-les-Bains. Entretien.

Olivier Frérot

Vous parlez de métamorphose sociétale. Que signifie cette expression ?

Aujourd’hui, je ne crois plus à la toute-puissance de la technocratie. Elle est l’un des résultats de la période dite moderne qui va du début du 17e siècle à fin du 20e. Une civilisation nourrie par les sciences, principalement les mathématiques, les techniques et la raison. Elle a débouché, notamment, sur de la verticalité, de la production de normes et de procédures.

Nos sociétés deviennent plus intéressées par l’écologie, qui rapproche les humains et les non humains (flore, faune…). Dans la civilisation qui se dessine, et que je nomme civilisation de la vie, la richesse ne se base pas sur la croissance de l’argent mais sur le développement des relations interpersonnelles. D’autant que nous devenons plus attentifs aux dimensions sensibles et affectives de nos existences.

C’est à nous d’entreprendre, au sens de faire ensemble, agir en commun. Pour soi et pour les autres, quelle que soit la forme statutaire du groupe qui fait. II s’agit de promouvoir des relations horizontales entre pairs, permettant de favoriser la dignité́ humaine et la solidarité.

Ces valeurs ne sont pas encore dominantes dans l’ensemble de notre société, loin de là. On assiste pourtant à la naissance de nouvelles formes de mobilisations et d’organisations, parfois temporaires. Elles sont le fait de collectifs d’artistes, de citoyens ou de professionnels.

Un nouveau récit se dit et s'écrit. Chaque civilisation produit de la création humaine, et cela est magnifique. C'est le passage de l'une à l'autre qui est douloureux à vivre, difficile à comprendre.

Quelle est la place des CAE dans ce nouveau monde qui vient ?

L’économie sociale et solidaire a inauguré une économie renouvelant les solidarités et les coopérations au sein de notre société. Elle a préfiguré de nouvelles formes organisationnelles, a priori moins pérennes, car renonçant à la maîtrise et à la toute-puissance.

La CAE représente une articulation fine entre entreprendre pour soi et le collectif. Pouvoir compter sur les coopérateurs et le service d’appui, être dans des relations amicales, de confiance, c’est important quand on démarre car être entrepreneur, c’est dur. De plus, la garantie des droits de salariés tout en étant autonome qui est permise par le contrat d’entrepreneur salarié associé en CAE est adaptée à ceux qui ne veulent plus être contraints dans un contrat salarial d’une organisation classique.

Après, c’est la pratique. Chaque CAE a sa propre organisation. On trouve en tout cas un souci du collectif plus développé là que dans d’autres endroits. Un état d’esprit de solidarité, de coopération. Et, à mon avis, un engagement de prendre soin suffisamment des autres et donc de la coopérative.

Cette forme est pleine de promesses. On est indépendant, on met beaucoup de sens dans notre activité, on prend ses responsabilités, mais avec une certaine sécurité.

Les CAE ont un bel avenir à condition qu’elles ne se bureaucratisent pas trop. Il faut rester vigilant quant à leur taille critique. Et continuer à débattre.

Propos recueillis par Mireille Picard